Présentation du rapport de Mme Véronique Louwagie relatif au financement et à l’efficacité de la lutte contre la maladie de Lyme

Le 3 mars 2021, la députée de l'Orne Mme Véronique Louwagie a présenté devant la commission des Finances de l'Assemblée Nationale un rapport ayant pour titre : Rapport d’information relatif au financement et à l’efficacité de la lutte contre la maladie de Lyme.

La FFMVT, dont plusieurs membres ont été auditionnés en janvier 2021 par Mme Louwagie, tient à la remercier chaleureusement pour la qualité de ce rapport. Nous ne doutons pas qu'il puisse faire bouger les lignes quant à la prise en charge de cette maladie au niveau national.

Nous soulignerons les nombreux points de ce rapport très complet avec lesquels nous sommes pleinement en accord. Nous aborderons aussi quelques points sur lesquels notre opinion diffère, sans que ces différences n’altèrent le très large accord sur les aspects principaux.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/opendata/RINFANR5L15B3937.html

https://www2.assemblee-nationale.fr/static/15/commissions/CFinances/RI_Lutte_maladie_Lyme.pdf

 

Les points sur lesquels Mme Louwagie a insisté sont les suivants :

Plan Lyme de 2016

Hormis des progrès en matière de surveillance vectorielle, et des avancées en matière de sensibilisation du grand public et des professionnels, ce plan est globalement un échec. Il a été mis en place sans aucun engagement financier (à comparer par exemple avec le plan de 2018 sur l'autisme, assorti d'un financement de 340 M€). Un point positif a été la reconnaissance de la maladie de Lyme en tant que problème majeur de santé publique. En matière de prévention, la France pourrait s’inspirer des actions mises en place par le Canada ou la Suisse.

Ce plan n'a donné lieu à aucune évaluation annuelle. Le financement des recherches par l'ANR était supérieur avant le lancement de ce plan (on est passé d'un financement très faible à une absence de financement).

Un 2e plan devra absolument être mis en place, sans attendre la fin de la crise sanitaire. Il y a urgence. Ce 2e plan devra être assorti d'un engagement financier et donner lieu à une évaluation annuelle. Un référent interministériel devra être nommé ; il n'est pas acceptable que les ministres de la Santé et de la Recherche se renvoient la balle sur le sujet Lyme.

En matière de Lyme, le niveau de défiance du public est tel qu’il est impératif de renforcer le rôle des associations dans les comités de pilotage du 2e plan. C'est un point clé pour donner tout son sens à la démocratie sanitaire. Mais au-delà des associations, sur des sujets comme la prévention, il est nécessaire d’impliquer l’Education nationale et les collectivités territoriales, comme cela se fait au Canada.

Recherche

La recherche sur la maladie de Lyme a une importance fondamentale. En effet, seuls de nouveaux résultats permettront de sortir des controverses actuelles sur les diagnostics et les traitements, responsables du désarroi des médecins généralistes et surtout des patients dont l'errance médicale perdure.

Mme Louwagie estime que l'effort de recherche sur la maladie de Lyme, sur les dernières années, s'élèverait à environ 1,5 M€/an. C’est notoirement insuffisant. Par ailleurs la majorité de ces recherches concerne la biologie de la tique et non la santé humaine. Le seul projet de recherche important en santé humaine a été financé à hauteur de 140 K€ par une association de patients [la FFMVT], à la suite d'un legs. Le chiffre de 15 M€ pour la recherche sur le Lyme avancé par la ministre F. Vidal est sans fondement.

Madame Louwagie propose qu'un financement de 5 M€/an soit engagé, dans le cadre d'un plan pluriannuel. [5M€ est le chiffre qui avait aussi été proposé dans les amendements Doineau au Sénat fin 2019 et fin 2020]. Mme Louwagie engage la commission des finances à peser de tout son poids, lors du vote de la loi de finances à l'automne, pour que cet engagement devienne réalité. Elle appelle les parlementaires de toutes sensibilités à s'engager ensemble dans cette direction. Elle rappelle que le coût de la maladie de Lyme pour la société est certainement très supérieur à 5 M€/an.

Elle mentionne le programme européen NorthTick (2014-2020), qui a financé 11 laboratoires dans 7 pays (Danemark, Suède, Norvège, Allemagne, Belgique, Royaume-Uni, Pays-Bas). La France n'avait pas postulé…

Petites divergences

Les points mineurs sur lesquels l’opinion de la FFMVT diffère de celle de Mme Louwagie sont les suivants :

Pour assurer un financement pluriannuel de la recherche sur la maladie de Lyme ce financement doit dépendre d'une agence. La FFMVT partage cette approche mais propose depuis plusieurs années que ce soit par une agence spécifique, alors que Mme Louwagie est favorable à ce que ce soit par l'agence ANRS Maladies infectieuses émergentes, résultat de la fusion récente entre l'ANRS (qui a montré son efficacité depuis des années pour soutenir les recherches sur le sida) et REACTing, consortium pour le financement de maladies essentiellement virales (Zika, dengue, chikungunya). Le budget de la nouvelle agence est simplement l'addition des budgets de l'ANRS et de REACTing. Aucune impulsion financière n'a été donnée pour tenir compte d'une nouvelle pathologie sérieuse comme la Covid… On comprend mal comment une structure plus lourde pourrait améliorer l'efficacité des 2 agences existantes, sans moyens supplémentaires.

Toutes ces pathologies ont une origine virale, et tous les regards sont tournés vers la Covid. La prise en charge, par cette même agence, d'une pathologie d'origine essentiellement bactérienne comme la maladie de Lyme risquerait d’être le parent (très) pauvre de cette agence. Pour pouvoir motiver de nouveaux chercheurs sur la problématique Lyme, il faudra absolument assurer la visibilité de cette agence, comme la FFMVT le propose.

L'autre point de désaccord concerne l'importance des enveloppes de recherche. Mme Louwagie a suggéré à plusieurs reprises que les recherches prometteuses sont celles qui sont réalisées avec de gros budgets, et que le financement ne doit pas être éclaté en de multiples petits projets. L’expérience de la recherche montre au contraire que ce n'est pas la taille de l'enveloppe par projet mais l'approche par appels d'offres qui stimule la créativité des chercheurs (approche bottom-up). Des "petits projets" peuvent aboutir à des résultats tout à fait significatifs. L'enveloppe globale doit laisser la place à des projets de tailles différentes.

En conclusion, la FFMVT renouvelle ses vifs remerciements à Mme Louwagie pour la qualité de son rapport, et se réjouit de l'implication croissante des parlementaires sur cette problématique. Une nouvelle étape devrait être franchie avec la publication, en juin, du rapport de la commission présidée par Mme Jeanine Dubié (Affaires sociales).

Merci à tous les parlementaires impliqués activement dans cette action.

 

Extraits du rapport Louwagie (mars 2021)

Sur le plan national de 2016

« Le plan national de 2016 n’a eu ainsi aucun effet d’entraînement sur la recherche et son exécution coïncide même avec un ralentissement des financements accordés par l’ANR dans le cadre de son appel à projets générique. […] La très grande majorité des projets en cours concerne la biologie et l’écologie des tiques et non la santé humaine. Par ailleurs, aucune recherche d’ampleur n’est conduite sur les formes sévères de la maladie ou sur les co-infections. » (pp. 28-29)

 « En définitive, et en dépit de quelques réelles avancées, le premier plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques présente un bilan décevant : la recherche est atone et insuffisamment coordonnée ; l’épidémiologie suscite un certain scepticisme ; la démocratie sanitaire est contestée ; le parcours de soins ne fait pas consensus ; la confiance entre les acteurs s’est étiolée ; enfin les controverses sur la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques sont plus vives que jamais et, surtout, la situation des patients ne s’est pas améliorée. » (p. 48)

Sur l'effort de recherche

« La recherche publique contre la maladie de Lyme et les maladies transmissibles par les tiques bénéficie actuellement d’un concours inférieur à 1,5 million d’euros par an […] alors que le besoin de financement à satisfaire est évalué aux environs de 5 millions d’euros par an étant entendu que ce montant limité ne constitue pas un coût net puisque les avancées permises par la recherche doivent permettre d’améliorer la santé des patients et donc de réduire le coût de leur prise en charge pour la collectivité. […] L’inscription de cet engagement sur plusieurs années est nécessaire pour structurer une communauté de chercheurs et créer l’effet d’entraînement que le plan de 2016 n’a pas su initier. » (pp.51-52)

« Dans l’hypothèse où aucun effort financier complémentaire ne serait consenti par le pouvoir exécutif, il appartiendrait aux parlementaires de déposer, et d’adopter, un amendement en ce sens lors des prochaines discussions budgétaires comme ils ont su le faire en 2018 pour relever les crédits de la recherche sur les cancers pédiatriques. » (p. 53)

Sur le rôle des associations

« L’amélioration de la connaissance de la maladie de Lyme et des gestes de prévention tient également à l’action prépondérante des associations dont les ressources sont pourtant limitées. » (p. 42)

« La gouvernance du plan doit être élargie […]. Le rôle des associations doit également être modifié afin de donner tout son sens à la notion de démocratie sanitaire. » (p. 56)