L'Assemblée vote contre un budget recherche fléché sur la maladie de Lyme pour l'année 2020

Le 28 octobre dernier, l'Assemblée nationale examinait la seconde partie du projet de loi de finances pour 2020, en particulier le budget alloué par l’Etat à la recherche et à l’enseignement supérieur. Soutenu par 80 députés, un amendement au projet de loi de finances avait été déposé afin d’augmenter les crédits de recherche sur la maladie de Lyme et octroyer à l’INSERM des crédits dédiés à des projets de recherche fondamentale sur le diagnostic et les formes persistantes de la maladie de Lyme (SPPT).

Cette proposition n’a malheureusement pas été adoptée par l’Assemblée Nationale. Cet amendement a été rejeté successivement par Francis Chouat, rapporteur de la commission des finances puis Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche.

L'augmentation demandée de 10 millions d'euros n'avait rien d’aberrant compte-tenu de la gravité de la situation et si l'on considère que l’Etat américain consacre plus de 56 millions de dollars annuels à la recherche sur les maladies transmises par les tiques et annonce un financement exceptionnel supplémentaire sur ce même sujet.

La FFMVT (Fédération Française contre les Maladies Vectorielles à Tiques) et les associations de malades de Lyme, qui s’interrogent sur l’absence totale de financements fléchés sur la recherche relative à la maladie de Lyme dans le cadre du Plan Lyme, sont consternées par le fait que le gouvernement refuse de financer en 2020 la recherche sur ces maladies. Cette recherche est indispensable pour améliorer le diagnostic, les tests de dépistage, les traitements et pour mettre fin à l’errance et à la souffrance des malades.

La FFMVT analyse les arguments évoqués lors du débat, et en marge, pour justifier de ne pas financer ces recherches :

« La priorité dans la recherche sur la maladie de Lyme relève de la recherche clinique » (Francis Chouat, 28 octobre 2019).

C’est faux. La mise au point de nouveaux diagnostics et de nouveaux traitements fait largement appel à des essais in vitro et à des modèles animaux. De tels aspects relèvent de la recherche fondamentale. La lutte contre la maladie de Lyme exige d'abord de la recherche fondamentale, puis de la recherche clinique.

«Les recherches pour améliorer le diagnostic relèvent du ministère de la santé.» (Francis Chouat, 28 octobre 2019).

Ces recherches relèvent des deux ministères. Répondre aux députés qui relaient la demande des malades qu’ils ont frappé à la mauvaise porte est inacceptable.

« La recherche sur la maladie de Lyme bénéficie déjà de financements nationaux importants » (Frédérique Vidal, 28 octobre 2019).

La ministre de la recherche et de l'enseignement supérieur cite ici les 3 programmes actuels : OHticks, Diabolyc (financés par l'ANR) et CiTique. Elle semble considérer que ces programmes sont une réponse suffisante à la problématique. Or, aucun d’eux n’aborde les questions fondamentales du diagnostic et des traitements novateurs qui permettraient de combattre les formes les plus sévères de la maladie.

Les projets OHticks et Diabolyc ont été déposés auprès de l’ANR en octobre 2015, soit un an avant le lancement du Plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmises par les tiques.

OHticks, projet de recherche clinique, a débuté il y a un an. Les personnes effectivement suivies sont des personnes piquées récemment par une tique ET qui ont présenté un érythème migrant (EM). Ce programme ne prend donc pas en compte les patients qui n’ont aucun souvenir d'EM (ce qui est pourtant le cas d’environ la moitié d’entre eux) ni ceux qui sont malades depuis des années. Comment une recherche clinique ainsi biaisée pourrait-elle appréhender la réalité de la situation ?

Le projet Diabolyc est terminé. Son objectif, la recherche de protéines de Borrelia dans la peau des patients, n’a pas été atteint. Ce programme n’a permis aucune avancée de la recherche sur le diagnostic et les traitements.

CiTique est un projet de recherche participative par lequel les citoyens peuvent contribuer à la recherche sur les tiques et les maladies qu’elles transmettent. Essentiellement effectué par des bénévoles, il vise à établir une cartographie des zones les plus touchées. Son objectif n’est pas l’amélioration du diagnostic et des traitements.

« Il est inutile de financer une recherche fondamentale sur la maladie de Lyme, puisque l'on sait que cette maladie est due au spirochète Borrelia, et que sa sensibilité à certains antibiotiques est connue ».

Une telle opinion éclipse la complexité de la problématique. La maladie de Lyme n'est pas due seulement à la bactérie Borrelia, mais aussi à des pathogènes co-infectants très fréquemment injectés simultanément par la tique. En particulier un parasite qui infecte les globules rouges (Babesia) et doit être traité à l’aide d’anti-paludéens. En outre, la co-infection par un virus exige un traitement anti-viral. Enfin, il a été établi que la doxycycline, l'antibiotique anti-Borrelia le plus fréquemment utilisé, bien qu’efficace contre la forme spirochète de Borrelia, est en revanche sans aucun effet contre la forme dormante de Borrelia, responsable de la réapparition de la maladie des semaines ou des mois après le traitement initial. On ne connaît pas encore d’antibiotique efficace contre cette forme dormante. Les recherches fondamentale et clinique sur l’ensemble de ces questions sont donc indispensables.

« En revanche, il est nécessaire de stimuler recherche clinique et industrielle pour un meilleur diagnostic rapide ».

Toute recherche clinique ou industrielle suppose en amont une recherche fondamentale de haut niveau. La recherche industrielle pour la mise au point de nouveaux médicaments est principalement motivée par la perspective de bénéfices financiers. Ce n'est pas le cas pour les maladies infectieuses. Ceci explique que Sanofi ait décidé de sous-traiter quasiment toute sa recherche en infectiologie. En dix ans, Sanofi a touché plus d'un milliard d'euros au titre du Crédit Impôt Recherche . Face à un tel budget, l’affectation de quelques millions d'euros au soutien de la recherche publique sur la maladie de Lyme ne semble pas excessive !

L'intérêt industriel des sociétés qui commercialisent les tests diagnostiques n'est pas de les améliorer, mais de convaincre qu'ils sont excellents, pour pouvoir les vendre plus facilement, en France et à l’étranger.

« La difficulté à diagnostiquer la maladie a été établie scientifiquement par l'équipe du Pr Caumes. Ils ont montré que près de 90% des consultants pensant avoir une maladie de Lyme n'en souffraient pas, en réalité. »

L’article du Pr Caumes a été publié dans le journal de la SPILF (Société de pathologie infectieuse de langue française). Cette société "savante" s’efforce de défendre l'idée qu'il ne faut rien changer dans l’approche de la maladie de Lyme : les diagnostics sont bons, les traitements efficaces. Il s’agit moins d’un article scientifique que d’un élément de communication de la SPILF, dans le contexte controversé que nous connaissons. La faiblesse scientifique avérée de cet article a été démontrée ici .

« Il ne faut pas politiser un débat ayant trait à la santé publique. »

Bien que l’activité de recherche ne relève pas de la politique, toute recherche implique un financement, nécessairement soumis à un arbitrage, à des choix politiques. Ce ne sont donc pas les malades qui politisent le débat. Les malades restent en revanche sans voix lorsque l'espoir qu’ils ont placé dans les représentants du peuple, leurs sénateurs et députés, se trouve balayé par des arguments qui ne résistent pas à l'analyse, exprimés par une majorité qui à l’évidence répond avant tout à une injonction gouvernementale.

« La recherche est lente et ce n'est pas une question de budget. »

Le fait que la recherche soit lente est une raison supplémentaire pour lancer sans attendre ces actions. Elles ont besoin d'être financées et les sommes en question sont dérisoires comparées au coût social et sociétal induit par l’augmentation alarmante du nombre de malades en souffrance.

Le 3 juillet, la Direction Générale de la Santé annonçait que le nombre de nouveaux cas de maladie de Lyme enregistrés en 2018 est proche de 70 000 ! C'est en réalité une sous-estimation, qui ne prend pas en compte les formes disséminées tardives de cette maladie. Il est par ailleurs admis que la maladie de Lyme fait désormais partie des dix maladies infectieuses les plus fréquentes en France.

Mesdames, messieurs les député.e.s,
La situation sanitaire est grave. Il est urgent de mettre fin à l’errance et à la souffrance des malades de Lyme. En tant que représentants du peuple responsables, avez-vous pris la mesure des conséquences d’un vote qui, en refusant des crédits dédiés à des projets de recherche fondamentale sur le diagnostic et le traitement des formes sévères et persistantes de la maladie de Lyme, ignore la détresse d’un nombre grandissant de vos concitoyens ?

La FFMVT

Lannemezan, le 8 novembre 2019