PNDS Borréliose de Lyme et autres maladies vectorielles à tiques
La phase d’élaboration du PNDS a duré plus longtemps que prévu, du fait des positions divergentes entre deux courants de pensée : la SPILF (Société de pathologie infectieuse de langue française) et la FFMVT (Fédération française contre les maladies vectorielles à tiques) qui est constituée d’un collège de médecins et de chercheurs ainsi que d’un collège de trois associations (France Lyme, Lympact et le Relais de Lyme). Cette situation reflète la polémique internationale entre d’une part l’IDSA (Infectious Diseases Society of America), et d’autre part l’ILADS (International Lyme And Associated Diseases Society) qui revendique les bénéfices de traitements antibiotiques prolongés dans certaines situations concernant les borrélioses et les MVT, en s’appuyant sur plusieurs publications scientifiques.
De plus, alors que le PNDS aurait dû être publié fin avril suite à la validation par le collège de la HAS le 11 avril 2018, il aura fallu attendre encore près de deux mois en raison de l’intervention de la SPILF (voir l’article dans « Science et avenir » du 5 juin 2018) pour voir sa publication. Des modifications ont été apportées par la SPILF à l’insu du groupe de travail. De ce fait, la phrase « Le protocole national de diagnostic et de soins présente le résultat du consensus obtenu au sein du groupe de travail » (page 4 du PNDS) ne correspond pas tout à fait à la réalité, puisqu’il n’y a pas de consensus sur la question de la sérologie.
La HAS a publié d’une part le PNDS, et d’autre part un rapport d’élaboration où l’on trouve l’argumentaire, les positions divergentes selon les écoles de pensée et la bibliographie.
Les recommandations d’un PNDS doivent avant tout s’appuyer sur une argumentation scientifique. Or, l’analyse des données scientifiques n’a pas toujours permis d’aboutir à des conclusions univoques du fait du manque de recherche dans ce domaine et de l’insuffisance méthodologique des publications scientifiques de référence. De ce fait, le texte court du PNDS est issu de négociations pour aboutir, au 8 mars 2018, date de la dernière séance du groupe de travail, à un certain consensus entre avis d’experts des deux parties. Etant donnés le manque de preuves scientifiques et les divergences entre les deux courants de pensée, les recommandations actuelles sont de faible niveau de preuve.
Le PNDS remplace les recommandations de la conférence de consensus sur la maladie de Lyme qui s’est tenue sous l’égide de la SPILF (Société Française de Pathologie Infectieuse de Langue Française) le 13 décembre 2006. Une actualisation du PNDS est prévue au moins tous les deux ans.
Sur le plan épidémiologique, en France, le taux d’incidence de Borréliose de Lyme est estimé pour l’année 2016 à 84 cas / 100.000 habitants. Ce taux d’incidence est multiplié quasiment par 10 en comparaison avec l’année 2003. Il est aujourd’hui clairement établi que la maladie de Lyme n’est plus une maladie rare.
Concernant la forme localisée précoce de la borréliose de Lyme (l’érythème migrant) et son traitement, il persiste des divergences en termes de durée de traitement entre les différentes recommandations internationales avec par exemple des durées de traitement un peu plus longues dans les récentes recommandations britanniques. Les autres maladies vectorielles à tiques font encore l’objet de connaissances parcellaires avec peu de publications scientifiques.
Ce sont principalement les formes secondaires disséminées tardives qui ont fait l’objet de débats prolongés, du fait des positions contradictoires entre la SPILF et la FFMVT. La reconnaissance des formes persistantes viables de Borrelia continue à faire débat même si l’actualité scientifique récente met bien en évidence la persistance de la Borrelia chez le singe macaque rhésus après des traitements antibiotiques bien conduits, tandis qu’une autre étude montre des symptômes persistants très invalidants chez des patients traités pour une maladie de Lyme authentique selon le référentiel classique. D’autres points n’ont pas pu faire l’objet de consensus comme par exemple la prescription simultanée des tests Elisa et Western Blot. Néanmoins le recours à un Western Blot sera possible dans le cas d’un SPPT. La version définitive du PNDS fait apparaître un soi disant consensus pour une sérologie en deux temps alors que la FFMVT n’a jamais adopté cette position. De même, l’Annexe 3 (Performances des tests diagnostiques actuellement recommandés) ne fait pas l’objet d’un consensus (voir l’analyse de la FFMVT dans l’article « Performance des ELISA utilisés pour diagnostiquer la maladie de Lyme »).
Concernant la prise en charge des patients, deux situations vont être identifiées :
– maladie de Lyme authentifiée par la sérologie (dans l’attente de tests plus performants, PCR ou autres),
– SPPT (Symptomatologie/Syndrome persistant(e) polymorphe après une possible piqûre de tique).
Le rapport du Haut conseil de la santé publique (HCSP) de décembre 2014 ( 1 ) avait déjà introduit la notion de SPPT (appelé alors sémiologie polymorphe persistante après piqûre de tique) ainsi que la possibilité d’un traitement d’épreuve. Le SPPT est défini par une piqûre de tique possible avec ou sans antécédent d’érythème migrant, et un tableau associant notamment douleurs, fatigue, réduction des capacités physiques, et des plaintes cognitives. Ces symptômes étant subjectifs et non spécifiques, un bilan doit être effectué afin d’éliminer d’autres diagnostics. En l’absence d’autres diagnostics, un traitement d’épreuve pourra être mis en place.
Un parcours de soins a été précisé avec un partenariat entre médecins généralistes, médecins libéraux volontaires intégrés à un partenariat ville hôpital, des centres de compétence pluridisciplinaire dans chaque région et 5 centres de référence interrégionaux qui seront mis en place en janvier 2019.
Ces centres devront être dotés d’un comité de direction composé de médecins du centre, de médecins libéraux partenaires et de représentants d’associations de soutien de malades atteints de MVT. Ce comité de direction définira les objectifs, le projet médical et rédigera un plan d’action ainsi que l’organisation des activités du centre.
La prise en charge sociale devrait s’accompagner d’une reconnaissance en ALD.
Il est enfin rappelé la nécessité d’engager des moyens importants pour la recherche.
Même si les avancées n’ont pas été au niveau espéré sur plusieurs aspects de la problématique, et qu’il persiste de ce fait des points de désaccord, la FFMVT considère que ce PNDS est une avancée positive. Il lance une nouvelle dynamique et sera actualisé tous les deux ans en prenant en compte les données de la science, de la recherche et d’une évaluation de l’activité des différents partenariats ville – hôpital.
Ce PNDS est donc un premier pas vers une meilleure prise en charge des MVT. Dans l’immédiat, du fait de l’incertitude scientifique entre plusieurs stratégies thérapeutiques, et en l’absence d’arguments formels pour ou contre la mise en œuvre de telle ou telle stratégie, les maladies vectorielles à tiques constituent une thématique pour laquelle s’appliquent également les aides à la décision médicale partagée. Ces aides constituent, au côté des recommandations du PNDS, un des moyens de mettre en pratique les principes de la médecine fondée sur les preuves (evidence-based medicine), puisqu’elles facilitent un temps d’échange et de délibération entre le patient et les professionnels de santé, au cours duquel sont prises en compte les données de la science concernant les différentes options disponibles, l’expérience du professionnel et les attentes et préférences du patient.
Nous espérons que ce PNDS constituera le début d’une ère nouvelle quant à la prise de conscience de l’ampleur des problématiques liées aux maladies vectorielles à tiques, tant de la part des pouvoirs politiques pour le financement des différentes recherches à mener, que de la part du corps médical. Nous espérons que des réponses vont ainsi être apportées aux problématiques de la souffrance et de l’errance des patients. Nous espérons que des tests biologiques performants seront très prochainement mis sur le marché, tant pour la maladie de Lyme que pour les autres agents pathogènes transmis par les tiques, et que les connaissances se développeront grâce à la recherche et une coopération entre l’ensemble des médecins.
En conclusion, ce PNDS constitue une avancée positive mais la FFMVT trouve regrettable que la démocratie sanitaire n’ait pas été respectée à l’issue des travaux du groupe du fait de demandes unilatérales de modification du texte final, pourtant validé de manière consensuelle par l’ensemble des participants, conformément au mode d’élaboration d’un PNDS (voir l’article « PNDS et conflit d’intérêt »). Dans l’immédiat, un courrier a été adressé à la Ministre de la santé, sans réponse à ce jour, et nous attendons les décisions concernant le futur pilotage du PNDS à sa révision dans deux ans, objet de deux courriers récemment adressés à la Présidente de la HAS.
Le CA de la FFMVT
Quelques repères
1982 : identification de la Borrelia, agent pathogène responsable de la maladie de Lyme
13 décembre 2006 : conférence de consensus sur la maladie de Lyme sous l’égide de la SPILF
4 décembre 2014 : publication du Rapport du Haut Conseil de la Santé Publique ( 2 ) sur la borreliose de Lyme. Ce rapport explicite la polémique qui oppose deux courants de pensée dans la prise en charge des maladies vectorielles à tiques au stade tardif disséminé, à savoir d’une part l’IDSA (Infectious Diseases Society of America) dont les thèses sont reprises en France par la SPILF, et d’autre part une société internationale, l’ILADS (International Lyme And Associated Diseases Society). Outre des recommandations sur la nécessité de développer la recherche, ce rapport introduit la notion de SPPT (sémiologie polymorphe persistante après piqûre de tique) et d’un traitement d’épreuve. Suite à la publication du rapport du HCSP sur la borreliose de Lyme en décembre 2014, aucune recommandation préconisée par ce rapport n’a été mise en œuvre par le Gouvernement.
19 Septembre 2015 : suite au rapport du HCSP et dans l’optique de se professionnaliser, trois associations, France Lyme, Lympact et Le Relais de Lyme, se sont fédérées pour créer la Fédération Française contre les maladies vectorielles à tiques (FFMVT).
30 janvier 2016 : la FFMVT se dote d’un conseil scientifique sur une ligne différente de l’IDSA.
12 juillet 2016 : dans « l’Obs », plus de 100 médecins lancent un appel d’urgence au Gouvernement face au scandale sanitaire qui s’annonce avec la maladie de Lyme.
30 Juillet 2016 : la SPILF présente sa contre argumentation ( 3 ) et considère qu’il n’est pas justifié de réviser la conférence de consensus de 2006.
29 septembre 2016 : le gouvernement présente aux associations un projet de Plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmises par les tiques (le document fait état de la présence d’au moins 57 agents infectieux retrouvés dans une tique). La SPILF est désignée copilote avec la HAS.
Il y a cinq axes stratégiques dans le Plan Lyme :
- Améliorer la Surveillance vectorielle et les mesures de lutte contre les tiques
- Renforcer la surveillance et la prévention des maladies transmissibles par les tiques
- Améliorer et uniformiser la prise en charge des malades : c’est dans ce cadre qu’il est proposé d’élaborer un protocole national de diagnostic et de soins (PNDS)
- Améliorer les tests diagnostiques
- Mobiliser la recherche sur les maladies transmissibles par les tiques
Le PNDS s’inscrit dans le cadre du troisième point du Plan Lyme avec comme objectif de répondre à la souffrance et à l’errance des patients atteints ou suspects d’être atteints d’une maladie vectorielle à tiques, d’avancer sur la problématique des formes secondaires tardives, et de proposer un parcours de soins.
Durée des travaux : mars 2017 à mars 2018 avec un groupe de travail constitué d’environ trente personnes :
– différentes spécialistes étaient présents (cardiologie, dermatologie, immunologie, infectiologie, médecine interne, microbiologie, neurologie, ophtalmologie, pédiatrie, psychiatrie, rhumatologie…),
– la présidente de l’association Lyme sans Frontières
– la FFMVT était représentée par huit membres, chercheur, médecins, et représentants de malades :
Dr Hugues Gascan, Dr Raouf Ghozzi, Pierre Hecker, Dr Thierry Medynski, Pr Christian Perronne, Dr Christine Pommier, Dr Philippe Raymond, Pr Paul Trouillas